Routine

 

Ce soir je m'invite dans la révolte, dans la fougue et l'audace

Car j'ai envie de dissoudre la routine dans la brûlante folie de mes fantasmes

Routine du passeur qui inlassablement tangue d'un bord à l'autre de la rivière, attendant d'être, par un miracle de saint batelier, délivré de sa rame.

Il regarde le courant du temps descendre vers l'estuaire de ses espoirs mais n'ose briser la chaîne qui le retient dans l'anse de son ennui

Il dit aux siens qui le voudraient hardi, on est bien là, c'est un métier sérieux, je suis un bon passeur

Alors ses cheveux tombent saison après saison et de ses rêves il fait une raison, présentant son oblong crâne en Mont Chauve aux caprices du froid, du soleil et de la pluie

Sa vie est réglée, telle une roue dentée plantée sur une vis sans fin

Le voilà chef passeur et au grade ultime il revernit sa barque, bombant le torse de la proue à la poupe

Il rame en chef désormais, ce n'est pas rien.

Lorsque sonne la retraite, plante l'étrave dans la grève avachie

Bientôt mourra, emporté par l'Ankou, dans l'ombre de son embarcation au silence d'un saule très pleureur

Des rameurs, il fut le maître, brassant l'eau en tourbillons bien alignés

De sa vie, d'autres furent le maître

De sa vie, n'aura connu qu'un seul embarcadère

Jamais n'aura goûté aux écumes océanes, aux voluptés ultramarines, aux ruelles de Hong-Kong, aux délices de l'inconnu, aux frissons de l'illicite

Ce soir je m'invite dans la révolte, piétinant avec panache l'ennui et la raison

Je sabre le champagne au cabaret liberté, laissant les bulles tracer la forme de ma joie

Ce soir, je suis vivant