Le Mur
Mur de Berlin. Soixante ans. En une nuit les barrières se sont érigées et ont coupé les hommes en deux, guillotinant leurs âmes, séparant les amants, les parents. Ce mur de la honte a laminé des vies, déchiré les histoires, tranché dans le vif des espoirs. Il y eut ceux de l'Ouest et ceux de l'Est. Il y eut l'amour des uns enterré dans l'ombre noire de la muraille, il y eut l'amour des autres perdu dans les barbelés de l'enceinte. Des enfants sans mère, des frères sans sœur, des gémellités brisées, des amoureux isolés, des liens maltraités par la haine d'un pouvoir diviseur, d'une idéologie sans humanité. Ils ont perdu leur boussole, n'ont plus senti le vent de la joie caresser leurs joues. Ils ont plié sous le joug. Courbé l'échine, enfoncé leur désespoir au plus profond d'eux-même.
Aujourd'hui d'autres murs s'érigent, invisibles, assemblés par la peur. Certes, c'est une autre histoire. Mais tout ce qui divise, isole, discrimine est un mur entre les hommes. Et ce nouveau mur, virtuel, inventé par la cupidité et la soif de contrôle ne grandit pas l'humain que nous sommes. Sans faire d'amalgame, rappelons-nous. Le mur de Berlin s'est construit en vingt quatre heures et a plongé un pays dans la nuit pour des décades. Celui qui s'érige aujourd'hui avec les gravats de la démocratie s'est bâti en quelques jours, sous nos yeux et dans notre silence. Il y a vingt ans, je lisais « 1984 » avec le frisson de la peur, mais cette fausse peur, de celle qu'on ressent quand on regarde un film d'horreur. On sait que c'est pour-de-faux et que ça n'arrivera pas car on est à l'abri dans notre cocon démocratique, héritage des Locke et Montesquieu, puis de la révolution. Qu'il s'agit d'une dystopie. Et pourtant... Aujourd'hui je ne vois plus « 1984 » sur mon étagère car... je suis entré dans le livre.
Philipp Larsen – Août 2021
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