Patience
Assis sur une banquise en bois humide au bord de l'océan, je sors une petite flasque de souvenirs dont je bois quelques lampées mémorielles. Elles pétillent de bulles souvenirs projetant des joies passées sur l'écran flou de mon cortex.
Ce matin, à 48° de latitude nord, le regard fixé sur une ligne de houle, je me demande quelle est la couleur de la patience ? Mauve comme un taxi irlandais ou laquée du rouge des matins glacés de l'Empire du Milieu.
Elle est toboggan de minutes sur lequel glisser lentement au rythme du lourd balancier de la comtoise enracinée dans le parquet ciré.
Car, l'attente, mariée à la patience, peut durer des lustres, immobile, hiératique statue engravée en ronde bosse dans la brume d'aurore.
Artriste de rue, je pars danser de larmes en attendant les confetti et les trompettes de la renommée. Et ce soir, incrédule sur mon fil, sous un ciel piqué d'étoiles, je déambule en funambule noctambule
Entre chien et loup, des mômes, de tout jeunes garçons coiffeurs, bolcheviques par capillarité, me lancent, pour tuer mon équilibre, des hosties qui fendent l'air comme des frisbee effilés.
En suspension sur mon fil, surplombant les doutes et les peurs de l'Humanité, je me refuse à leur faire une Cène, et continue mon chemin aérien.
Plus loin, les pieds revenus sur terre, je croise un chat siamois, digne, avec cet air d'arrogance propre aux aristocrates, fussent-ils de lignée féline.
Il me toise de ses amandes glaçantes et m'interpelle d'une voix hautaine et sifflante.
- « Tu n'es qu'un pauvre rêve qui se balance dans le ciel. Ta patience est vaine. »
Je n'aime pas l'idée qu'un félidé puisse me blesser et encore moins briser mes espérances.
Je gravis le chemin de la falaise, levant un aérosol de poussière de latérite à chacun de mes pas. Au sommet je m'assied dans un carré d'herbe peignée par le vent du large. Ouvrant les pans de ma veste je libère ma patience pour qu'elle s'inspire de l'horizon, respire le large empli d'embruns et d'espérance.
Et là, tous les deux, tels deux vieux amants, guettant l'horizon comme chaque matin, nous regardons le temps couler de source et ses cristaux sculpter des nuages.
Onirik 2024
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