RÊVE ?

 


Mon calice, cabossé de vie, se remplit chaque jour de gouttes temporelles

Un jour, malgré les évitements, les détours, les pirouettes, se dresse un mur, construit de blocs d'incertitude, d'oublis, d'incompréhension, de doutes. Un mur sur lequel viennent mourir en myriades les mots, ces duperies de l'auteur.
Dans une vie pour plaire, on se décline à l'envi car un auteur est un mensonge permanent, un mythomane autorisé, un semeur de contradictions, un brouilleur de pistes
Qui peut pénétrer son cœur ? Ce dédale inextricable, jungle envahie par la manigance des mots.

Dur, tendre, indifférent, romantique, pragmatique, efficace, rêveur, ascète, hédoniste, épicurien, sévère, drôle, important, dérisoire, sédentaire ou assoiffé de voyage et de nouveauté, IL est JE.
Il y a tellement de versions de moi que je ne sais plus qui est l'original.
Là, en vous parlant, suis-je le clone ou le vrai moi ? Comment me distinguer de moi-même ?
Accastillé d'émotions contradictoires je me penche sur l'onde miroir d'une étendue aqueuse

Caressé par la brise, mon reflet narquois tremblote.
Dans les ténèbres, je m'accoude au passé.

Tiens, mes parents s'en sont allés ! L'un après l'autre, discrètement, du bout de l'âme. Leurs mémoires se sont dissoutes dans l'air épais des nuits d'hiver.
Ai-je su les aimer ? C'est quoi, c'est comment d'aimer comme il faut ?

Au scrabble de mon existence, mort compte double
On peut arrêter le jeu ? Trop petit pour grandir, je reste assis au pied de la lettre. Oublié le sensuel Q galbé de la victoire, le Z d'un zombie de série B, le V ouvrant outrageusement les fines jambes d'une victoire textuellement transmissible.
Fantômes je vous vois passer le pont suspendu au dessus d'un Styx grondant et éructant. Effet spécial de mon rêve grand format. Je vous accueille sans peur et vos corps évanescents me suivent dans une bienveillance silencieuse. Escorté de cette étrange équipée, je continue mon rêve.

Je suis bois flotté dérivant sur le fjord lisse et, là où la mer n'ose plus s'avancer, un ponton de bois marque la fin de mon voyage. En levant les yeux, je la vois, la femme du fjord. Elle est penchée au chevet de mon attente, empanachée de cheveux, scrutant les flots à la recherche de son meilleur souvenir. Nos yeux se croisent et de son promontoire de bois son regard me caresse. Une risée attise nos envies. Elle plonge et je souris.


Le jour se lève. Je pose mon stylo devenu inutile, gouge à creuser mes fantasmes en ronde-bosse dans les brumes épaisses de mon inspiration..


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