Fête des mers
Moi, devenu orphelin, par une nuit glacée d'hiver, incapable de retenir le souffle qui m'implorait, je me suis senti aspiré par l'Absence dans le monstrueux manège piloté par l'Ankou.
Le joli mai, en barque sur le Rhin, affichait complet pour vétusté et j'ai du balancer mes fleurs pour toujours par-dessus le pont.
J'ai
longtemps regardé l'obsolète bouquet de pivoines descendre le
courant, en dessinant de gracieuses volutes à la surface du fleuve,
appelé par l'estuaire lointain.
Depuis, en ce jour de
célébration, je salue toutes les mers du monde, multicolores et
polyglottes, réconciliatrices.
Je
rêve que, sans faire de vagues, la mer Rouge s'accouple avec la mer
Noire, que le courant passe entre la mer Blanche et la mer Jaune
De
celle d'Iroise j'ai le souvenir d'une silhouette souple découpée
dans le ciel breton, d'un far sucré alourdi de beurre, d'un adieu
kenavo sonné par un bagad.
Paradoxal soldat de la paix, je milite pour un partage des eaux, une Mare Nostrum oecuménique, consensuelle, à la croisée des vents pour que plus jamais les poumons des gueux ne soient lestés du sel de la peur.
Sous les tropiques je fais des apnées du soleil, le regard en dérive sur un horizon arqué, militant sans faille de la rotondité.
Je m'agace des sargasses flottant entre deux eaux dans la mer du même nom.
Je frissonne dans les mers de Weddell et de Ross parcourues de risées ridant la surface en frissons de glace.
Je porte offrande à la mer de Chine, flanquée de jonques impériales figées dans un passé laqué de sang et de lumière.
Je flotte comme une pomme de pin sur la mer d'Azov, petite babouchka des litiges ravivés.
Sur le rivage de la mer de Tasman, j'écoute les dernières notes d'un piano abandonné aux vaguelettes froides et mousseuses.
Et, alors que dans les creux de Baltique, me voilà ballotté de sel tel un hareng évanoui, je laisse mon esprit s'abandonner au vent, cerveau lent flottant sous les nuages épais enrobés de lune.
Vous, mers froides ou mers chaudes, mers porteuses de secrets abyssaux, Caspienne ou d'Aral, d'huile ou démontées, je vous aime, d'une cardinale à l'autre, de grève en grève, en frère de houle et d'écume.
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